La croyance en une image restreinte de soi et la fuite d’une altérité radicale

Un homme marche dans une galerie de miroirs déformants. Devant chacun, il cherche son reflet, ajuste sa posture, tente de se reconnaître. À force de scruter ces images étriquées, il oublie peu à peu les contours réels de son visage. Quand un miroir, enfin, lui rend une image brute, sans filtres ni angles flatteurs, il détourne le regard, presque offensé. Ce n’est pas lui, pense-t-il. C’est trop étranger pour être familier.

La croyance en une image restreinte de soi agit comme un refuge : elle protège, rassure, mais enferme aussi. Elle impose une forme fixe — parfois élégante, souvent confortable — mais toujours réductrice. Et si ce qui faisait peur n’était pas tant le changement, mais ce qu’il révélait de l’inconnu en soi, ce point d’altérité où l’image ne tient plus ? Lorsque cette altérité devient trop radicale, surgissent des résistances. Elles ne disent pas « je ne veux pas changer », mais plutôt « je ne veux pas me perdre ».

Alors, que se passe-t-il quand cette image vacille ? Quand l’ancien costume ne tient plus au corps ? L’effondrement de cette construction figée n’est pas une chute, mais parfois l’unique passage vers une forme plus souple de soi.

Se voir vraiment exige d’abandonner ses masques familiers. (Image générée par DALLE d’OpenAI)

Quand le visage se fige devant le miroir

Il y a, au fond de soi, des images gravées comme des icônes sacrées. Elles racontent une histoire que l’on ne remet plus en question. L’image de celui ou celle que l’on croit être devient un refuge, un arrangement avec l’angoisse. On s’y attache comme on s’accroche à une paroi lisse, persuadé qu’en s’y tenant fermement, on évite la chute dans l’inconnu. Mais ce que cette image protège n’a rien d’inaltérable. Elle dissimule une panique sourde : celle de rencontrer, en soi ou en l’autre, quelque chose d’étrange, d’imprévisible, de profondément dérangeant.

Cette immobilité du soi n’est pas un état de paix, c’est un silence étouffé. Un rempart invisible qui empêche le mouvement, anesthésie le désir et neutralise toute tentative de métamorphose réelle. Ce figement agit comme une camisole d’apparence. Il donne l’illusion d’une stabilité, mais maintient l’individu dans une stérilité existentielle. Ce qui aurait pu advenir reste en suspens, retenu par la peur d’un autre soi, d’un soi non maîtrisé, incertain, vivant.

Les contours d’une identité stérilisée

L’image figée du soi n’est pas seulement un mensonge confortable. Elle est une stratégie défensive, un système de maintien. Certaines personnes vivent des décennies entières à l’intérieur de cette coque imaginaire, répétant les mêmes gestes, les mêmes paroles, les mêmes refus. Elles se présentent à elles-mêmes comme une vérité figée, inattaquable, imperméable. Mais à quel prix ? Le prix du renoncement. Le renoncement à tout élan véritable, à tout mouvement d’âme qui viendrait bousculer l’ordre établi.

C’est le paradoxe de cette construction : elle protège du chaos intérieur, mais elle empêche aussi toute alchimie. Or, sans chaos, aucune naissance. Sans désordre, aucune révélation. Le soi figé devient une prison élaborée, dont les barreaux sont faits d’habitudes, de convictions, de récits figés qui ne laissent plus filtrer la lumière du mystère. En refusant la part étrangère, en refusant ce qui ne se laisse pas nommer, on refuse aussi les possibles naissances de soi-même.

Le vertige de l’altérité

Ce moment où l’individu entre en contact avec une altérité radicale — que ce soit dans une rencontre humaine, un rêve, une expérience de rupture ou une crise existentielle — provoque un séisme intérieur. L’image figée ne résiste pas longtemps à ce type de choc. Elle craque, se fend, dévoile des pans d’ombre jusqu’ici tenus à distance. Ce n’est pas tant la peur de l’autre qui surgit alors, mais la peur de ce que l’autre révèle de soi-même. Une peur ancienne, archaïque, enracinée dans la sensation d’être bouleversé au point de ne plus se reconnaître.

C’est précisément dans ce vertige que réside le potentiel de transformation. Non pas une transformation cosmétique, mais un basculement profond, radical. Celui qui accepte de se confronter à ce tremblement s’ouvre à une dimension autrement plus vaste de lui-même. Il devient capable d’entendre ce qui, jusque-là, murmurait sous la surface. Il s’expose, se rend vulnérable, et découvre la force sous la fissure. C’est dans cette faille que le mouvement intérieur commence à germer.

Quand le masque tombe, le visage respire

Toute tentative de changement véritable passe par une mise à mort symbolique. L’image figée de soi doit s’effondrer. Non dans la destruction, mais dans l’abandon. Cesser de s’y identifier, de s’y accrocher comme à une bouée. Laisser partir ce reflet convaincant mais appauvri. C’est une position difficile, car elle suppose de renoncer à ce que l’on croit être pour accueillir ce que l’on ignore encore. Mais c’est là que réside la clé : dans la dépossession volontaire.

Ce processus ne se fait jamais sans résistance. Les défenses internes se soulèvent, les anciens récits protestent, les voix intérieures hurlent au danger. Pourtant, dans le creux de cette lutte, quelque chose commence à respirer. Un espace s’ouvre. L’individu, dénudé de ses armures familières, commence à sentir le frisson de sa propre altérité. Il ne sait plus qui il est, et c’est précisément cela qui le rend vivant.

L’hypnose comme passage

Dans ce cheminement, l’hypnose offre un passage. Non pas comme une baguette magique, mais comme un creuset. Elle permet de suspendre, un instant, les mécanismes habituels de défense pour explorer ces territoires reculés du soi. Là où la conscience ordinaire s’arrête, l’état hypnotique propose un autre rapport au langage, au corps, au silence. Il ne s’agit pas de dissoudre l’identité, mais de la rendre poreuse, perméable à ce qui la dépasse.

Sous hypnose, l’image rigide du soi n’a plus la même consistance. Elle devient molle, fluide, traversable. Des émotions longtemps refoulées remontent, parfois violemment, mais toujours avec une intelligence propre. L’inconscient parle, pas pour confondre, mais pour révéler. Et dans cette révélation, l’individu rencontre des parts de lui-même jusque-là interdites d’expression. C’est une rencontre avec l’étrange, mais aussi avec une vérité plus vaste, moins linéaire, moins capturable.

Une identité en mouvement

Le travail hypnotique n’a pas pour finalité de reconstruire une nouvelle image de soi plus séduisante ou plus fonctionnelle. Il vise à déraciner l’illusion d’une image fixe, pour permettre l’émergence d’une identité mouvante, malléable, vivante. Cela ne signifie pas être sans contour, mais accepter que les contours soient toujours en train de bouger. Ce que l’on est aujourd’hui ne sera pas ce que l’on sera demain. C’est dans cette forme d’acceptation que naît un réel apaisement.

Le changement ne vient pas de l’extérieur. Il ne s’achète pas, ne se décide pas intellectuellement. Il s’éprouve, dans la chair, dans le souffle, dans les tremblements du silence intérieur. L’hypnose offre cet espace rare où le corps et l’âme peuvent s’accorder différemment. Elle autorise une reconfiguration intime, moins contrôlée, mais plus fidèle à ce qui cherche à naître depuis longtemps.

Le murmure du train qui ne s’arrête pas

Dans une ville grise, quelque part en hiver, un homme reste assis en haut d’un immeuble en construction. Il regarde les voitures passer, les gens marcher vite, les téléphones collés aux visages. Il ne parle pas. Il attend. À côté de lui, un sac rempli de souvenirs qu’il n’a jamais racontés. Un chien errant s’approche, le renifle et s’allonge à ses pieds. L’homme sourit à peine. Il ne sait pas encore où il va. Mais il sait qu’il ne retournera pas là d’où il vient.

Ce n’est pas la destination qui compte, mais le fait d’avoir quitté l’illusion d’un soi immobile. Le mouvement commence ainsi : quand on cesse de croire à ce que l’on croyait être. Quand on accepte de ne plus se reconnaître. Quand le bruit du train qui ne s’arrête pas devient, enfin, une musique familière. L’hypnose ne dit pas où aller. Elle ouvre simplement la porte. À chacun de choisir s’il ose la franchir.

Article créé avec la collaboration de ChatGPT d’OpenAI