Dans un appartement exigu au fond d’une ruelle, un homme passe ses journées à se plaindre de ne jamais terminer ses projets. Autour de lui, des carnets ouverts, des ébauches, des idées griffonnées sur des serviettes. Il parle d’un grand livre qu’il porte en lui depuis des années, mais chaque tentative d’écriture s’effondre dans une fatigue soudaine. Lorsqu’on lui demande ce qu’il ressent face à cette impasse, il soupire, s’indigne, accuse son manque de temps, de soutien, de discipline.
Et pourtant, au milieu du désordre, une étrange lumière : celle d’un confort discret. Il connaît chaque détour de cette incapacité, chaque repli de ce blocage. Il s’en nourrit comme d’un vieux secret. Ce qu’il nomme obstacle s’apparente à une forme de paix. Une paix amère, mais familière.
Alors, ce blocage est-il vraiment ce qui l’empêche d’avancer, ou bien ce qui le maintient à l’abri d’une perte plus grande ?
Le confort discret d’un échec soigneusement entretenu (Image générée par DALLE d’OpenAI)
Quand l’immobilité nourrit une forme de jouissance
Il y a des silences qui ne cherchent pas la paix, mais le refuge. Des arrêts qui ne sont pas des absences, mais des postures. Sous l’apparente paralysie d’un blocage, une force travaille. Ce n’est pas un vide, mais une densité secrète. Quelque chose pousse là. Lentement. En dépit des apparences. Ce quelque chose, c’est une jouissance discrète, presque honteuse, que le sujet ne voit pas mais qu’il nourrit pourtant. Elle ne crie pas. Elle s’installe, s’infiltre, se cache dans la plainte, se tapit dans la répétition.
Ce n’est pas tant le manque d’avancée qui dérange. C’est ce qu’il contient. Ce plaisir infime, niché dans l’immobilité même. Le symptôme ne retarde pas seulement. Il soutient. Il protège. Il maintient quelque chose d’inavouable. Et ce quelque chose, c’est une fidélité. Une alliance ancienne avec une part de soi restée immobile, en dehors du temps.
Le pacte invisible avec la douleur
Qui n’a jamais ressenti ce soulagement étrange de ne pas aller mieux ? Une journée de plus à souffrir, et pourtant, une sensation de contrôle, de familiarité. Comme si la douleur, au fond, avait sa place. On la connaît. Elle balise le territoire. Elle évite le vertige de l’inconnu. Et surtout, elle empêche de perdre ce qui, jadis, fut un plaisir. Même s’il est devenu toxique.
Chaque symptôme se fait gardien d’un équilibre intérieur. Il ne s’agit pas seulement d’un empêchement, mais d’un agencement. Un arrangement interne. Une stratégie archaïque. Le sujet, tout en se plaignant, reste loyal à une configuration ancienne. Peut-être celle d’un amour manqué, d’une colère tue, d’un abandon jamais digéré. Il y a une intelligence dans la résistance. Elle évite la perte totale. Elle retient ce qui fut investi. Elle continue à parler une langue que, consciemment, on ne comprend plus.
L’économie secrète de la répétition
Répéter, ce n’est pas seulement échouer à changer. C’est rejouer une scène. Rejouer sans fin, sans transformation apparente. Pourtant, dans cette répétition, il y a une obstination qui parle. Comme une présence silencieuse, têtue. Celle qui dit : “Je continue à croire que c’est là que ça s’est joué. Je continue à espérer que cette scène va changer. Je ne peux pas lâcher.”
Et si l’on écoutait la plainte avec une autre oreille ? Non celle qui compatit ou qui cherche à calmer. Mais celle qui soupçonne. Qui entend, sous la plainte, le plaisir discret de ne pas avancer. De rester là. De tenir sa scène bien en place. Comme un acteur qui, refusant la fin de l’acte, continue à rejouer sa tirade, encore et encore, pour ne pas quitter le plateau.
Séduits par l’impasse
Le plus grand piège du blocage, c’est son confort. Il crée une bulle. On sait ce qu’il empêche, mais on ignore souvent ce qu’il protège. Un plaisir ancien, figé, parfois douloureux, mais encore investi d’amour. Il est difficile de quitter ce qui, même toxique, a donné du sens. Le changement, sous ses allures de libération, exige une trahison. Celle d’une fidélité souterraine. Il demande de renoncer. De perdre.
En ce sens, la résistance n’est pas un caprice. C’est un acte d’amour. Une loyauté profonde envers ce qui fut. Le symptôme n’est pas une erreur. Il est une solution devenue rigide. Un refuge devenu prison. Mais dans cette prison, il y a des traces de plaisir. De l’éclat de ce qui, un jour, a brillé.
Quand amplifier libère
Amplifier la plainte, c’est parfois la clé. Non pour faire taire, mais pour faire émerger. Car en poussant le symptôme jusqu’à l’absurde, en l’exagérant, on révèle ce qu’il cache. L’exagération n’est pas une caricature. Elle est une mise en lumière. Elle met en scène ce que le sujet tait tout en vivant. En allant au bout de la plainte, on en dévoile la jouissance. Celle d’être victime, d’être incompris, d’être figé. Et c’est là que peut surgir quelque chose. Non pas un miracle. Mais un déplacement. Une faille dans la répétition.
C’est dans cet espace troué que l’hypnose, la parole libre, la provocation douce, peuvent intervenir. Non pour enlever le symptôme, mais pour en déloger la jouissance. Pour permettre au sujet de dire : “J’y trouve encore quelque chose. Mais je suis prêt à le perdre.”
Les visages du symptôme : entre plainte et fidélité
L’expérience du thérapeute, face au symptôme, oscille entre compassion et soupçon. Il entend, dans la plainte du patient, la voix d’un pacte intérieur. Et c’est souvent là que la thérapie prend une tournure décisive. Lorsqu’on comprend que ce qui freine n’est pas seulement un empêchement, mais une fidélité. Que le blocage tient debout parce qu’il a du sens. Parce qu’il soutient une structure. Parce qu’il protège quelque chose de précieux, même si ce quelque chose est douloureux.
Le patient, quant à lui, oscille entre désir de changement et peur de perdre. Il avance à tâtons, pris entre la souffrance et le plaisir secret qu’elle recèle. Il expérimente cette ambiguïté : vouloir bouger, mais craindre de trahir ce qui fut important. Il sent que, derrière le symptôme, il y a une scène ancienne, un autre lui-même, qui résiste encore.
Le souffle discret du changement
Une femme reste des années dans une relation destructrice. Elle dit vouloir partir. Elle pleure. Elle se lamente. Mais elle reste. Derrière ses mots, un autre fil se tisse. Celui d’une ancienne scène : une mère absente, un père indifférent. Et dans son blocage, elle rejoue. Elle tente de réparer. D’obtenir enfin ce qu’elle n’a jamais eu. Quitter cette relation, ce serait perdre. Perdre toute chance de rejouer. Perdre ce plaisir secret d’espérer encore.
Le changement n’est jamais immédiat. Il ne se décrète pas. Il naît, souvent, dans le flou. Dans la répétition elle-même. Parfois, il suffit d’un mot déplacé. D’un silence inattendu. D’un rire qui perce le sérieux de la plainte. Et alors, quelque chose se fissure. Une ouverture minuscule. Un soupir. Une possibilité. Le symptôme n’est pas éradiqué. Mais il se déplace. Il cesse d’être le seul langage possible.
Ce que l’hypnose effleure
L’hypnose n’enlève rien. Elle n’efface pas. Elle n’impose pas. Elle accompagne. Elle épouse les détours du symptôme. Elle écoute ce qui se répète, sans juger. Elle se glisse dans les interstices, là où le langage commence à s’épuiser. Elle parle avec les images. Avec les silences. Avec les corps.
Dans l’état modifié de conscience, le sujet ne lâche pas prise. Il rencontre ce qui en lui résiste. Il dialogue avec la part qui ne veut pas changer. Il n’est pas contraint. Il est invité. Et parfois, cette part résistante accepte de bouger. Non parce qu’elle a été combattue. Mais parce qu’elle a été entendue.
Le changement naît souvent à la frontière. Là où la plainte devient parole. Là où la jouissance cesse d’être secrète. Là où l’on accepte de ne plus savoir exactement qui on est. Là où l’on accepte de perdre un plaisir devenu poison. Avec douceur. Avec courage. Avec lenteur.
Article créé avec la collaboration de ChatGPT d’OpenAI